05 février 2019 (lepaysann.net) La Côte d’Ivoire veut transformer au moins la moitié de sa production d’ici à 2020. Pour ce faire, elle a pris d’importantes mesures. Des jeunes se sont engagés dans cette bataille. Mais, des obstacles demeurent.
C’est sa conviction. Il faut se battre pour changer les choses. C’est l’état d’esprit d’Axel Emmanuel Gbaou âgé de 35 ans. Partout, il partage sa vision. En décembre 2018 , au cours d’un panel sur la transformation du café et du cacao, dans le cadre de la Plateforme de partenariat public-privé (PPPP) du café-cacao, à Yamoussoukro, il réaffirme sa volonté de contribuer à la transformation du cacao. C’est pourquoi, dit-il, avec sa Petite et moyenne entreprise (PME) Instant Chocolat, spécialisée dans la fabrication du chocolat artisanal et d’emballages personnalisés, il produit des lingots de chocolat à Abidjan. « Le chocolat que je commercialise a une concentration de 75% de cacao provenant de la coopérative Ecoya. Notre collaboration avec Ecoya permet aux femmes membres de cette coopérative de bénéficier de 1500 F CFA par jour dans la torréfaction du cacao », fait-il savoir. Ce qui représente un revenu supplémentaire pour ces travailleuses qui interviennent dans la torréfaction. Axel Emmanuel précise que son unité embauche dix personnes. Grâce au produit certifié qu’il obtient d’Instant Chocolat, l’artisan chocolatier qui envisage d’étendre d’ici à trois ans la torréfaction des fèves aux 2 500 coopératives ivoiriennes productrices de cacao, pour fournir du travail à 250 000 femmes, a déjà obtenu le ‘’Prix Alassane-Ouattara du jeune entrepreneur émergent’’ en 2015.
Dans le café également, d’autres jeunes aux dents longues affichent leur ambition. C’est le cas de Lamine Bakayoko. A seulement 34 ans, Mohamed Lamine Bakayoko a une entreprise, le Groupe Avva Côte d’Ivoire. « Il nous faut africaniser et ensuite démocratiser la consommation du café moulu », indique-t-il, sourires aux lèvres, récemment. Actuellement, informe-t-il, sa startup produit du café avec un goût fruité, mixé de quelques épices locales à l’instar du kinkéliba ou du gingembre. A cela, s’ajoutent des grains torréfiés qui ramènent à l’essence de la production locale. Avec 18 employés dont 30% de femmes, Lamine Mohamed arrive à faire un chiffre d’affaires d’environ 325 millions F CFA. Super lauréat de la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire (Cgeci) Academy, en 2015, le jeune entrepreneur ne veut pas s’arrêter en si bon chemin. Il annonce qu’actuellement il exporte dans plusieurs pays de la sous-région dont le Burkina-Faso qui fait 15% de son chiffre d’affaires. « Il y a 22 entreprises locales répertoriées qui transforment le café. En moyenne, ces unités transforment 2 tonnes par jour. Nous tendons vers la transformation de 15% de la production », souligne-t-il.
Contrairement aux deux premiers, Moussa Sawadogo, président du conseil d’administration (PCA) de la Société coopérative ivoirienne de négoce des produits agricoles de l’Agneby (Scinpa), fait son petit bonhomme de chemin. « Nous avons commencé à transformer de façon artisanale le café. Pour ce faire, nous avons séché et torréfié le café à l’aide d’une machine. On pile le café et avec la poudre on obtient un café associé au gingembre. On peut transformer jusqu’à une tonne en ce moment », relate-t-il avec fierté, assis, en face de son unité, à Agboville, dans le Sud-Est du pays, ce samedi 15 juin. Puis d’ajouter que son café a des vertus thérapeutiques. « Avec le gingembre, des hommes qui trouvent que notre café a des vertus aphrodisiaques, en raffolent », fait remarquer le PCA de la Scinpa. Cet homme, la quarantaine révolue, se félicite du succès de son produit qui n’est commercialisé qu’en Côte d’Ivoire, en ce moment. « Lorsque nous avons exposé notre produit au Salon international de l’agriculture de Paris, en mars 2018, plusieurs personnes nous ont encouragé », avance-t-il. Pour lui, si les obstacles sont levés, la transformation du café sera une réalité en Côte d’Ivoire.
Ces freins à la transformation du café et du cacao
Les PME intervenant dans la transformation du café et du cacao sont formelles. Il existe encore trop de freins à la transformation du café et du cacao en Côte d’Ivoire. Selon Axel Emmanuel Gbaou, d’abord les taxes sur les machines dédiées à la transformation sont élevées. « Nous avons des petites unités qui transforment une petite quantité de cacao. Or, les machines coûtent cher. C’est pourquoi, elles devraient être détaxées afin de réduire leur coût. C’est le cas au Ghana », compare-t-il. En outre, au niveau des exportations, le jeune entrepreneur déplore le taux élevé de la caution d’exportation estimée à 200 millions F. « Récemment, on a reçu une commande d’une tonne de chocolat de la Guinée. On a eu une commande d’Ethiopie, cependant du fait du coût de la caution de 200 millions F, on n’a pu répondre à cette demande », révèle-t-il. Quant à Lamine Bakayoko, la difficulté des PME pour s’installer en zone industrielle constitue un handicap. « Pour s’installer en zone industrielle, les PME doivent fournir 18 documents pour un coût de 500 mille F par document. Ce qui est hors de prix pour nos startups », dénonce-t-il. A cela, s’ajoutent les redevances qui sont environ 3,5% du chiffre d’affaires des PME. « Avec de telles redevances, on ne pas s’installer en zone industrielle », confesse-t-il. M. Bakayoko relève aussi le défaut d’une main d’œuvre qualifiée. « Les écoles techniques qui existent ne forment pas aux métiers de la transformation du café. Nous recrutons donc des tâcherons que nous formons sur le tas », explique le fondateur de la société Groupe Avva Côte d’Ivoire.
Les gros broyeurs aussi ont des problèmes. Selon la présidente du Groupement des exportateurs de café-cacao (Gepex), Mariam Bédié, le coût de l’électricité est un frein certain pour les industries qui exercent dans le domaine de la transformation. Pour autant, reconnaît-elle, le gouvernement a pris de nouvelles mesures pour favoriser la transformation du café et du cacao.
Les grandes initiatives de l’Etat
L’Etat ivoirien sait bien que la transformation est une impérieuse nécessité. Car elle permet de créer une plus-value pour le produit et génère de nombreux emplois. Pour ce faire, il a pris des mesures incitatives pour faciliter la transformation du café et du cacao. Selon le directeur de la production industrielle au ministère de l’Industrie et des mines, Kobénan Mougo, la Côte d’Ivoire a pris d’importantes mesures afin d’inciter à la transformation du cacao, en dehors de celles contenues dans le Code des investissements. Il s’agit notamment de l’institution du Droit unique de ortie (DUS) différencié. Avec cette réglementation, les entreprises transformatrices paient jusqu’à 0 F de DUS pour les produits finis à exporter. Il y a également la facilitation à l’accès des matières premières pour les industries. A l’en croire, depuis la prise de ces décisions courageuses, en 2016, les résultats sont positifs. Pour le cacao, ce sont 577 mille tonnes de cacao qui ont été transformées en 2017. Reste toutefois, à poursuivre sur cette lancée pour relever les nombreux défis. La Côte d’Ivoire premier producteur mondial de cacao avec 2 millions de tonnes en 2017 transforme 35% de sa production. Elle veut atteindre 50% de transformation de son or brun à l’horizon 2020. Quant au café, le pays qui produit 200 mille tonnes, transforme moins de 15%.
Ahua K.
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