LETTRE OUVERTE A MONSIEUR LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
Monsieur le Président,
Je me permets de m’adresser à vous directement ce jour car dans votre dernière adresse à la nation, vous avez dit aux citoyens qu’ils pouvaient vous interpeller directement à travers des courriers.
Aussi, en cette soirée du 11/09/19, ai-je décidé d’écrire à mon Président, moi le planteur d’hévéa, moi l’agriculteur, moi le planteur à titre principal.
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Ordonnance 2011-473 du 21/12/2011
Monsieur le Président, J’ai été de ceux qui ont applaudi et expliqué partout en zone rurale les avantages de l’ordonnance 2011-473 du 21/12/11. Je voulais tellement son application que je me suis même retrouvé Directeur de campagne, à battre votre campagne aux élections présidentielles passées. Oui, je le confirme, cette ordonnance est pour nous agriculteurs une opportunité pour avoir notre mot à dire dans nos différentes filières agricoles.
Monsieur le Président, on prend à ma connaissance sans être juriste, une ordonnance, vue l’urgence. Et je suis d’avis qu’il y avait urgence à donner de l’importance enfin aux producteurs du monde agricole. La mise en application de cette ordonnance devrait être pour notre gouvernement une priorité car la Côte d’Ivoire est encore essentiellement agricole. Et on continue de nous le dire: “le succès de ce pays repose sur l’agriculture ».
Huit années après la prise de cette ordonnance, nous avons environ six filières qui sont en interprofession sur la vingtaine de filières répertoriées.
A moins de quinze mois de la fin de votre deuxième mandat, Monsieur le Président, je suis inquiet, même très inquiet.
Je suis très inquiet d’autant plus que c’est vous qui aviez pris cette ordonnance et donc je pense que vous connaissez que quiconque toute son importance. Si avec vous on n’a pas pu l’appliquer normalement, je pense humblement que ce n’est pas quelqu’un d’autre qui saura le faire. Nous avons dit partout dans les campagnes pendant nos réunions et rencontres avec les planteurs, qu’après le Président Félix Houphouët-Boigny, c’est la loi la plus importante qu’un Président de la République prenne en faveur des acteurs du monde agricole.
Hélas, Monsieur le Président, comme j’ai eu à le dire dans la presse écrite, le planteur se sent trahi, abandonné, oublié….pour d’autres priorités.
Mais quelles autres priorités pourrait- il avoir dans ce pays quand on sait que c’est l’agriculture qui fait ce pays ? Il faut que ce refrain qu’on nous sert à longueur de journée depuis notre enfance se matérialise un temps soit peu sur le terrain.
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Banque Agricole
Nous sommes une grande puissance agricole sous régionale qui n’a pas de Banque Agricole et surtout pas de Chambre d’Agriculture.
Monsieur le Président, vous le grand économiste, je vous conjure, ne partez pas sans penser mettre en place une Banque Agricole pour véritablement nous aider nous les planteurs. Les autres n’ont pas réussi à le faire mais vous pouvez le réaliser car un étant un financier, un économiste. Suivez un peu mon regard vers le Maroc qui le réussit bien avec le Crédit Agricole du Maroc mis en place depuis 1961….
Si cela n’est pas fait et que vous partez, comme on le dit dans un jargon bien ivoirien, nous les planteurs, “on sera mort dans le film ».
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Chambre d’Agriculture
Notre Chambre d’agriculture Monsieur le Président, parlons-en.
Nous avons eu le privilège avec les experts juridiques du Ministère de l’Agriculture courant 2013/2014 à faire le toilettage des textes afin de doter la Chambre d’Agriculture de véritables textes consensuels.
Quand est venu le moment de son application, le texte a été rangé au placard. On nous fait comprendre que la Chambre d’Agriculture sera l’émanation des Collèges des Producteurs des Filières Agricoles en conformité avec l’ordonnance citée plus haut. Soit.
Et depuis lors, plus rien. Monsieur le Président c’est normal que notre agriculture se porte mal car elle est sans domicile fixe (SDF). L’âme de l’agriculture ivoirienne erre à la recherche d’une Chambre. Nous agriculteurs demeurons les parents pauvres de la société ivoirienne. C’est pourquoi nous pensons que la solution à nos problèmes est la mise en place rapide de notre chambre avec les collèges des producteurs des interprofessions mises en place. Cela ne nécessite pas de grands moyens c’est juste une question de volonté, les acteurs étant déjà en place.
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Mévente du caoutchouc
Je ne saurai finir mon courrier Monsieur le Président, sans parler de la mévente de caoutchouc, de la galère des planteurs d’hévéa. Pour nous, depuis ce que nous appelons la déclaration de Grand-Lahou où vous avez annoncé prendre en main le problème de la filière hévéa, les choses n’ont pas bougé véritablement. Cela fait près de quatre ans que le problème de la mévente devient de plus en plus grave.
Pour une production en augmentation de l’ordre de 25 ℅ en moyenne par an, il serait judicieux de prendre des mesures drastiques pour faire bouger les lignes. Des propositions sont sur les tables et leurs applications effectives soulageraient les milliers de personnes. Sinon, Monsieur le Président, ça va pas chez le producteur de caoutchouc. Et comme le disent les jeunes, il faut “sciencer un peu » du côté des planteurs d’hévéa !!!! Car pour le moment, nous ne connaissons pas de rentrée scolaire et c’est la grogne qui monte dans tous les secteurs hévéicoles.
Tout en vous souhaitant bonne lecture, je reste convaincu Monsieur le Président que vous pouvez encore faire beaucoup pour les agriculteurs ivoiriens dans leur ensemble.
CAMARA ISSOUF Agriculteur,
Président de l’Association des Jeunes Agriculteurs Modernes Hévéicoles de Côte d’Ivoire (AJAMHCI)
Email : camaraissouf@yahoo.fr